Détecter ChatGPT : comment les profs peuvent-ils faire ?

Professeure en classe examinant un devoir d'élève

Une consigne affichée sur un règlement ne fait jamais barrage à la tentation. En 2023, un tiers des étudiants français avouent avoir confié au moins un devoir à une intelligence artificielle, alors même que les établissements brandissent l’interdiction noire sur blanc. Face à cette vague discrète, les universités cherchent à reprendre la main, mais la réalité leur file souvent entre les doigts.

Des solutions sont bien là : certains logiciels anti-plagiat promettent de débusquer le texte généré, des plateformes spécialisées s’improvisent détectives. Pourtant, rien n’apaise les débats. Les progrès techniques avancent à une telle cadence que chaque outil de détection se retrouve, tôt ou tard, dépassé.

L’essor de ChatGPT dans l’éducation : chiffres et réalités en milieu scolaire

ChatGPT a rapidement gagné ses galons dans les établissements scolaires. Désormais, le nom circule partout : dans les discussions informelles, sur les forums étudiants, jusque dans les réunions pédagogiques. Une étude menée en 2023 indique qu’environ un étudiant sur trois a déjà utilisé une intelligence artificielle pour rédiger un travail. Lycées, universités, filières littéraires ou scientifiques : nul espace n’échappe à cette nouvelle habitude.

L’usage de GPT ne se limite plus à corriger deux fautes d’orthographe. Il s’étend à la rédaction complète de dissertations, à la mise en forme de plans détaillés, à la reformulation d’arguments. Le quotidien scolaire s’en trouve chamboulé. Enseignants et étudiants naviguent désormais dans une zone floue, où la frontière entre production personnelle et texte généré s’estompe.

Pour illustrer cette réalité, voici quelques données qui éclairent l’ampleur du phénomène :

  • 38 % des étudiants interrogés admettent avoir utilisé ChatGPT au moins une fois pour un devoir.
  • Un enseignant sur quatre rapporte avoir détecté des indices laissant supposer l’intervention d’une intelligence artificielle dans les copies rendues.

La facilité d’accès à ChatGPT encourage son adoption. Certains étudiants évoquent la peur de rater un partiel, la pression d’un calendrier trop serré, l’attrait d’une solution rapide. Du côté des profs, le malaise grandit : comment valoriser la réflexion individuelle si la machine peut, en un clic, remplacer l’effort personnel ? Désormais, chaque devoir devient une énigme. Qui est l’auteur réel du texte ? L’élève ou son assistant virtuel ?

Détecter l’IA dans les travaux étudiants : quels outils et quelles limites ?

Pour repérer l’empreinte de ChatGPT dans un devoir, les enseignants se muent en enquêteurs. Depuis 2023, plusieurs logiciels de détection sont testés dans les établissements. Leur principe : analyser la structure du texte, la syntaxe, le rythme ou des répétitions, pour tenter de retrouver la patte de la machine.

Chaque outil suit sa propre méthode. Certains se penchent sur la fréquence des mots, d’autres surveillent la cohérence ou la prévisibilité des phrases, points sensibles des générateurs actuels. Or, ces détecteurs laissent toujours une part d’incertitude. Aucun n’est infaillible : il subsiste une marge d’erreur et la confusion n’est jamais loin entre un style académique très lisse et une prose artificielle.

Pour donner un aperçu des pratiques, les observations partagées par les établissements permettent d’identifier plusieurs tendances :

  • Certains logiciels relèvent des structures de phrase récurrentes ou une logique trop uniforme pour être naturelle.
  • D’autres comparent la copie remise à des textes connus, guettant la moindre similitude avec des productions issues d’IA.

Mais la technologie a ses limites et, dans les faits, le verdict final repose souvent sur l’intuition de l’enseignant. Derrière un travail trop lisse, une argumentation sans aspérités, une étonnante homogénéité, certains repèrent des indices troublants. Détecter l’intervention d’une IA ne consiste donc pas à appuyer sur un simple bouton ; cela s’apparente à une enquête, où l’expérience et l’attention deviennent clés.

Entre vigilance et adaptation : les défis quotidiens des enseignants face à ChatGPT

Les enseignants avancent désormais sur un fil. À chaque correction, la question revient : ce devoir, est-il le fruit d’un étudiant ou d’un modèle génératif ? Ils s’appuient sur leur connaissance du style de chacun, les tournures, les hésitations, les maladresses, ces marques authentiques qui s’effacent sous les réponses générées par ChatGPT.

L’habitude s’installe : dissertations, synthèses, rapports de stage… De plus en plus de productions sèment le doute. Certains enseignants préfèrent multiplier les oraux, proposer des exercices en temps réel, réinstaurer l’interaction pour percevoir la démarche personnelle. D’autres, face à la charge de travail, ont du mal à suivre. Un contrôle supplémentaire s’impose : au-delà du simple examen surveillé, il s’agit désormais de traquer, dans chaque phrase, la rupture de style ou le glissement de ton.

Pour faire face, plusieurs stratégies se précisent :

  • Comparer systématiquement les copies avec les travaux antérieurs de l’élève pour relever une différence soudaine de niveau ou de style
  • Questionner l’étudiant sur ses références, ses choix de formulation, afin de jauger sa maîtrise réelle du sujet
  • Concevoir des tâches plus personnalisées ou ancrées dans le vécu de l’élève, où l’apport d’une IA trouve vite sa limite

Face à l’IA, les enseignants expérimentent, réinventent, testent de nouveaux dispositifs. Certains éprouvent de la lassitude ; d’autres y trouvent matière à renouveler leur pédagogie. Ce nouvel équilibre fragilise la confiance, mais suscite aussi des envies d’adaptation et d’innovation. Tout se conjugue, désormais, entre vigilance, remise en question, et volonté de préserver un lien authentique à l’apprentissage.

Etudiant universitaire concentré sur son ordinateur à la bibliothèque

Usage de l’IA à l’école : quelles questions éthiques et quelles perspectives pour demain ?

L’apparition de l’intelligence artificielle générative dans les salles de classe bouleverse la mission même de l’école. À quel point l’assistance reste-t-elle légitime ? Où commence la délégation pure et simple ? L’usage de ChatGPT, Gemini ou Claude ne chamboule pas seulement la notation. Il conduit à repenser la formation à l’esprit critique, l’autonomie, la capacité à structurer une pensée originale.

Confier une rédaction à une IA, c’est parfois faire l’impasse sur l’effort de réflexion. Mais négliger l’impact de ces outils, c’est courir le risque de voir naître de nouveaux écarts et renforcer une fracture technologique déjà discrète. La question ne peut plus attendre : comment continuer à évaluer de façon équitable, comment sauvegarder le goût de l’effort, sans tourner le dos à des outils qui s’imposent jusque dans le quotidien des élèves ?

Quelques pistes émergent, pour alimenter la réflexion collective :

  • Encourager la transparence sur l’utilisation de l’IA dans les devoirs
  • Adapter les critères d’évaluation pour intégrer la réalité des outils numériques
  • Former les enseignants pour mieux repérer et comprendre les contenus produits par une intelligence artificielle

L’école avance à tâtons, ajuste, s’interroge. Ce qui est certain, c’est que l’IA restera présente dans les salles de classe. Réinventer l’équilibre devient nécessaire, au service d’une pédagogie plus vivante, plus honnête. Les enseignants marchent sur un terrain mouvant, mais rien n’empêche de se projeter dans un futur où la lucidité et l’exigence aiguillent chaque décision. À la croisée des chemins entre vigilance et confiance, la voix humaine garde une place à défendre.

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